Ailes (voix d'homme)
Partition et matériel
Détails
Famille instrumentale | Orchestre |
Classifications catalogue | Voix solistes et ensemble ou orchestre |
Nomenclature instrument | baryton (ou voix de femme) et ensemble instrumental : 1.1.2.1 - 1.1.1.0 - perc, pno et quintette à cordes |
Durée totale | 00:20:00 |
Éditeur | Éditions Billaudot |
Cotage | GB9213 O |
Style musical | Contemporain |
Description
> Commande de l’état français
> Création le 15 mai 2012, à l’Auditorium Marcel Landowski, Paris (France), par Guillermo Anzorena (baryton) et l’Ensemble 2e2m, sous la direction de Pierre Roullier
Sur un texte de l’auteur
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Ailes, pour ensemble de quinze musiciens, composée en 2011 et 2012, est une commande de l’état français. Cette pièce est écrite comme une lettre musicale imaginaire à mon frère mort en septembre 2010. Elle évoque les questions de mort et de vie. Une pulsation lente maintes fois répétée, sorte de marche sonore parfois indécise, figure l’itinérance que représente le chemin que nous suivons au cours de notre vie. Cette errance est celle des forçats, des gladiateurs, de ceux qui savent qu’ils vont mourir - Morituri te salutant. La marche est aussi une respiration, celle qui nous accompagne tous les jours de notre vie et qui bascule un jour dans une entropie désespérante, mais également vers une éternité temporelle sans limites ni fin.
L’harmonie présente dans l’oeuvre provient de deux sources. La première est une analyse spectrale d’un type de cloche très présente au Québec où je vis actuellement, notamment à Trois-Rivières, Rimouski et Québec : la cloche Mears. La seconde est issue également d’une analyse, mais cette fois, de sons de synthèse par modulation de fréquence; procédé permettant d’obtenir une très grande variété de couleurs harmoniques et de phénomènes vibratoires ou de granulation. L’idée n’est pas de générer des accords en simulant par des calculs de hauteurs de notes une modulation de fréquence, mais d’analyser des phénomènes sonores complexes ayant été obtenus par ce même procédé. La différence peut sembler subtile, mais elle est notable. C’est la même qui existe entre les quatre hauteurs d’un accord écrit de quatre sons, et les multiples hauteurs provenant de ce même accord chanté par quatre voix dans une acoustique particulière. Dans ce dernier cas, les harmoniques générés par les voix interfèrent entre eux et avec l’acoustique du lieu, de façon à créer un son plus complexe et vivant. Je me suis intéressé également à ce type de travail harmonique dans d’autres oeuvres (Quid sit musicus par exemple). Une dialectique harmonique s‘établit ainsi, tout au long de la pièce, entre l’harmonie naturelle de la cloche et celle plus sophistiquée de la modulation de fréquence. Vers la fin, la cloche elle-même est modulée, établissant ainsi une continuité possible entre les deux univers harmoniques.
Ailes est une sorte de déploration vocale qui dit la souffrance, mais aussi l’espoir. Elle est parcourue de solos souvent avortés, exprimant l’impossibilité pour l’homme de franchir seul victorieusement les portes de la mort. Ces solos conduisent à la saturation des espaces harmoniques et de timbre qui expriment la colère et la violence de la rébellion devant la mort ; celle de l’autre, mais aussi la nôtre. Ces moments de grande densité fréquentielle et d’excès de timbre, dans la multiplicité des solos, évoquent une vision de la mort en tant qu’explosion des limites, mais également l’aspect parfois désordonné de la vie, et sa violence dans son extériorisation comme quelquefois dans sa dureté.
La forme de l’oeuvre s’articule en une tresse à deux brins : l’un plutôt de type monodique et l’autre plus polyphonique, qui s’enchevêtrent et sont traversés par la marche pulsée, mentionnée plus haut, en une sorte de « brochette » formelle. J’ai beaucoup utilisé cette « forme d’activités tressées » depuis une dizaine d’années. Elle me permet de maintenir une très grande cohérence dans le discours musical, tout en générant de multiples surprises et contrastes. Si le brin monodique domine au début de l’oeuvre, c’est la polyphonie qui prend peu à peu le dessus, afin de suggérer la densité et la saturation vitale que met en oeuvre l’être qui ne souhaite pas mourir.
Cette oeuvre est dédiée à mon frère : Jean-Claude.
(Philippe Leroux)