Au-delà du rêve

La pièce se présente avant tout comme une plongée dans un monde onirique en métamorphose permanente. Si le concerto se structure en trois mouvements enchainés, c’est d'abord un discours particulièrement organique qui se déploie tout au long de cette demi-heure de musique.

Dès les premières notes, la balade simple et presque anodine qu’égraine le violon solo se voit obscurcie par des prolongements en écho de l’orchestre qui semblent en quelque sorte ouvrir l’espace sonore. Ces diverses interventions peuplées de couleurs harmoniques nouvelles et de suggestions motiviques plus rythmiques ne vont cesser de faire dériver cette mélodie initiale vers des épisodes plus vifs et plus intenses à la limite de scherzos fantasques, parfois par surgissement, parfois par une lente transformation. Mais à chaque fois la balade originelle finit par mettre fin à ces sortes de parenthèses hallucinées et par se réimposer, bien que plus lyrique et dense à chacun de ses retours jusqu’à l’avènement du second volet de l’œuvre. Résolument plus lent et plus cadentiel, cet épisode central développe surtout un versant pictural par un jeu constant de déformations de reflets harmoniques, une exploration d’espaces sonores souvent extrêmes et un sentiment temporel plus distendu jusqu’à ce que le violon solo, après une longue incantation en duo avec le violon solo de l’orchestre, se détache de cet univers pour conduire la pièce vers son troisième volet. Une sorte de transe se met alors en place peu à peu où l’on semble naviguer entre mysticisme éthéré et danse frénétique pulsée, l’aspect mécanique et hypnotique finissant par emporter tout sur son passage malgré l’obstination de l’élément initial du rêve à vouloir se réincarner jusqu’aux dernières mesures précédant la conclusion. 

  

Münchner Philharmoniker, Elbphilharmonie Hamburg et Philharmonie de Paris

Création le 10 avril 2024, Isarphilharmonie, Munich (Allemagne), par Renaud Capuçon (violon) et le Münchner Philharmoniker (dir. Daniel Harding)