Lucifer

Dix ans après la création de mon Ballet « Lucifer », commande de l’Orchestre de Pau Pays de Béarn sous la direction de Fayçal Karoui pour le Ballet de Biarritz de Thierry Malandain, j’ai eu très envie d’en extraire une Suite Symphonique. La commande de cette Suite symphonique par l’Orchestre National d’Ile-de-France m’en donne l’occasion. Partir d’une partition de 40 minutes pour la réduire à 17 minutes supposait bien sûr de faire de grandes coupes dans l’original ! Le livret du ballet raconte l’histoire de cet archange porteur de lumière (une figure proche du Prométhée grec) qui pour avoir brisé l’interdit d’aimer une humaine sera jugé par le tribunal céleste et précipité aux Enfers. J’ai conservé trois moments clefs de la narration et j’ai largement retravaillé l’orchestration de ces trois mouvements.

Le Voyage de Lucifer se présente comme un scherzo. Volant avec grâce et légèreté, enveloppé par des vapeurs surnaturelles qui forment un manteau autour de lui, Lucifer descend vers la terre. Il brûle de curiosité de voir enfin le monde des Hommes et leurs villes turbulentes. Le mouvement joue de l’opposition entre la musique « des airs » ternaire et la musique « urbaine » binaire.

La Rencontre constitue le centre de l’ouvrage. La première personne rencontrée sur terre est une femme et, dès le premier regard, Lucifer sent naître en lui des sentiments inconnus. Hésitant, tout d’abord, pointilliste dans les gestes et la musique, le jeu devient de plus en plus exalté et charnel. L’ambiguïté de Lucifer nous est dévoilé : la possession du corps de l’autre s’impose au don de soi. La grande scène d’amour est vide d’amour.

La Danse des créatures et Bacchanale qui termine la Suite est issue de l’avant-dernier mouvement du ballet original. La scène se situe en enfer, où, entouré de créatures grotesques, Lucifer est couronné roi. L’archange de lumière est devenu Satan.

(Guillaume Connesson)