Zazpiak N
Partition et matériel
Détails
Famille instrumentale | Piano |
Classifications catalogue | Piano et orchestre ou ensemble |
Nomenclature instrument | piano et 14 instruments : 1.1.2.1 - 1.1.1.0 - perc - 2 vls, vla, vlc et cb |
Durée totale | 00:18:00 |
Éditeur | Éditions Billaudot |
Cotage | GB9874 0 |
Style musical | Contemporain |
Description
> Commande du Nouvel Ensemble Moderne de Montréal, avec une aide à l’écriture d’une oeuvre musicale originale du Ministère de la Culture
> Création le 9 octobre 2017, à Odyssud, dans le cadre du Forum ByPass 2017, Blagnac (France), par Francis Perron (piano) et le Nouvel Ensemble Moderne de Montréal, sous la direction de Lorraine Vaillancourt
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À l’instar de toutes les autres pièces du cycle Zazpiak, cette œuvre s’appuie sur certaines propriétés de l’une des improvisations de txalaparta enregistrées par les frères Artza en 1975. Cette improvisation se caractérise en particulier par une vitesse de jeu aussi constante qu’impressionnante, ainsi que par sa durée, parfaitement fortuite mais très évocatrice, de 4 mn 33 s, sur laquelle je reviendrai à propos du troisième mouvement. On retrouvera tout au long de Zazpiak N le jeu sur l’ostinato, l’accentuation, l’accéléré, la dispersion, le regroupement, bref, sur de fort nombreuses et toujours fascinantes caractéristiques du jeu de txalaparta.
Le premier mouvement est le déploiement d’un flux initial, rapide et animé, confié au soliste, qui va se diffracter, se dilater, se contracter, se suspendre, s’enrouler et se dérouler, dans un jeu constant de déphasages et de remises en phases du soliste et de l’orchestre, de part et d’autre d’une grande nuée aiguë presque immobile, qui suspend ses draperies comme une aurore boréale, au-dessus de longues vagues orchestrales.
Le second mouvement, que j’aurais volontiers intitulé « Modulations », utilise un fibrage microtonal et microtemporel pour iriser les couleurs harmoniques, provoquer des modulations du tissu sonore parfois proches de ce que l’on peut obtenir par des procédés électroniques. On y trouvera notamment, un peu comme dans le premier mouvement, un grand bloc médian centré sur un même type de matériau. Il s’agit ici d’une texture où s’entremêlent et parfois se confondent et s’interpénètrent les éclats d’une toccata spiralante du piano et les inflexions toujours mouvantes d’une courbe mélodique descendante, comme enroulée sur elle-même à la façon d’un ruban de Möbius, parcourue par l’orchestre à des vitesses variables.
La durée de chacun des quatre mouvements de Zazpiak N : 4 mn 33 s, constitue une référence incontournable : celle de la fameuse pièce pour piano en trois mouvements écrite par John Cage en 1952, au cours de laquelle l’interprète, demeurant assis à son instrument, ne fait strictement rien. Je n’avais bien entendu nullement l’intention de demander au soliste de demeurer silencieux durant quatre minutes et trente-trois secondes, mais il m’a semblé nécessaire de marquer cette référence par un geste compositionnel singulier. D’où l’idée du troisième mouvement de Zazpiak N, confié aux seuls trompettiste, tromboniste, percussionniste et pianiste soliste, au cours duquel le piano ne produira aucun son autonome, mais seulement le redoublement des notes jouées par les deux cuivres, prolongé par le jeu de touches enfoncées silencieusement et par l’utilisation de la troisième pédale de l’instrument. Les notes des deux cuivres résonneront ainsi dans le piano. Dans sa pièce silencieuse, John Cage se proposait de reporter l’attention des auditeurs vers leur environnement sonore immédiat. Je retourne cette proposition en faisant du piano lui-même l’environnement acoustique des deux cuivres. Ce troisième mouvement pourrait par conséquent fort bien s’intituler « Résonances ».
Le quatrième mouvement, quant à lui, précipite le soliste et l’orchestre dans la panique d’une vitesse en constante accélération, un quasi chaos d’accentuation, de syncopes et d’obstacles dynamiques. Ces péripéties finissent par abandonner derrière elles un long sillage aigu, à son tour balayé, emporté par d’ultimes et puissantes strophes du soliste, dans lesquelles on retrouve le caractère du rubato qui ouvrait cette œuvre, comme amplifié par toute l’énergie accumulée entretemps, lui même à nouveau agité par les soubresauts dynamiques du début de ce quatrième mouvement.
Les séquences finales des quatre mouvements de Zazpiak N sont construites sur le même modèle d’accélération et de décélération simultanées.
(Bertrand Dubedout)